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DOSSIER D'ETUDES n°152 DE LA CNAF : "Les publics des Eaje* : attribution des places et gestion au quotidien"

*Etablissement d’accueil du jeune enfant.

Ce dossier téléchargeable porte sur les inégalités d’accès aux modes de garde non familiale notamment concernant l’accueil des enfants porteurs de handicap, des enfants de parents sans emploi ou à horaires atypiques (mai/juin 2012)

Extrait du dossier d’etudes n°152

AVANT PROPOS

Si, à titre principal, les enfants de moins de 3 ans sont gardés par leurs parents (63 % selon l’enquête modes de garde réalisée en 2007 par la DREES), les établissements d’accueil du jeune enfant constitue un des principaux modes d’accueil externes à la famille des jeunes enfants, avec les assistantes maternelles.

En 2010, les 11 007 établissements d’accueil du jeune enfant situés sur le territoire français disposaient d’une capacité d’accueil de 359 050 places. Cela correspond à un taux de couverture moyen de 19,9 places pour 100 enfants de moins de 3 ans, réparti de façon très disparate sur le territoire (source : Observatoire National du Jeune Enfant) : ainsi, sur les 36 000 communes que compte la France, seules 4 413 accueillent au moins un établissement d’accueil. Même si certains parents peuvent préférer que leur enfant soit gardé par un parent ou via un mode d’accueil individuel, le nombre de places sollicitées dépasse largement le nombre de places offertes. Les gestionnaires des établissements sont donc amenés à faire des choix parmi les familles demandeuses.

Hors l’âge, peu de contraintes formelles régissent le public accueilli dans les EAJE. On peut penser que, dans un contexte de tension souvent forte sur l’offre, les attributions de places peuvent alors dépendre de la demande locale, des incitations plus ou moins fortes des pouvoirs publics à l’accueil de certains publics (enfants en situation de handicap, places d’urgence réservées pour les familles en insertion1 …), mais aussi d’éléments de politique locale (objectifs spécifiques conduisant à privilégier certains types de familles), de gestion du personnel, ou encore d’application de règles législatives administratives ou financières (ainsi, la norme de taux d’occupation réel de 70 % minimum2 peut inciter les établissements à accroître le nombre d’enfants par place ou au contraire à privilégier les
familles les plus consommatrices d’heures).

Afin de mieux comprendre les modalités concrètes d’attribution des places dans les établissements d’accueil, la Caisse nationale des Allocations familiales a souhaité conduire une étude, qui se décompose en deux volets. Le premier, confié à l’association A Propos, est une étude monographique conduite auprès de dix établissements, visant à saisir leurs modalités d’organisation de l’accueil et les attributions de places afférentes. Le second, confié au cabinet ENEIS, vise à appréhender par grandes masses les pratiques mises à jour par l’étude monographique ; un questionnaire téléphonique a ainsi été réalisé auprès de 200 structures représentatives des établissements d’accueil du jeune enfant en France.

Les résultats de ces deux enquêtes sont présentés dans ce document, qui expose successivement le travail qualitatif, puis le travail quantitatif.

On peut tirer trois enseignements principaux :

1- Concernant les modalités d’attribution des places, l’établissement d’accueil joue un rôle prépondérant, il est le principal point d’entrée de la demande de la famille, et le décisionnaire de l’attribution dans presque la moitié des cas. Dans les autres cas, une commission politique prend la décision.
2- Concernant les critères utilisés pour sélectionner les familles, les critères formels permettant d’ordonner les demandes semblent absents. La sélection semble alors s’effectuer selon une suite de tris. Dans un premier temps sont appliqués des critères qui s’apparentent plus aux critères de recevabilité : lieu de résidence, âge de l’enfant au regard des places disponibles). Puis s’imposent des critères de priorisation, mais qui ne peuvent concerner qu’un nombre restreint de familles : orientation par les services sociaux, gémellité … Au-delà de ces rares cas, la sélection se fait sur une analyse « globale » de la situation de la famille, qui combine plusieurs facteurs. Ainsi, les critères liés à l’emploi des parents sont souvent pris en compte, mais parfois pour favoriser les familles biactives
et parfois pour favoriser l’insertion professionnelle d’un membre du couple ; un quart des établissements considère même les deux cas comme prioritaires. De même, la monoparentalité est prise en compte, mais comme un facteur parmi d’autres de fragilité familiale. A cet égard, les conditions d’accueil proposées par les établissements peuvent influer le type de publics accueilli : si l’accueil régulier favorise plutôt les ménages actifs, l’accueil occasionnel flexible ouvre plus de possibilités aux familles ayant des horaires atypiques ou des emplois plus précaires ; cette flexibilité peut s’effectuer cependant au détriment de la qualité de l’accueil.

Ces modalités d’attribution, dont une partie pourrait être perçue comme étant de « petits arrangements » selon le vocabulaire de l’association A Propos, parviennent néanmoins à produire une certaine diversité au sein des établissements : ainsi, la quasi totalité d’entre eux accueillent des familles cibles des politiques publiques, dont plus de la moitié des familles en insertion ou monoparentales, et un peu moins des familles aux horaires atypiques ou des enfants en situation de handicap. Cette diversité s’assortit de pratiques professionnelles divergentes du public plus traditionnel bi parental et bi actif ; ainsi, la demande en termes d’horaires est-elle souvent plus flexible, ainsi, les besoins – en termes d’accompagnement, de gestion des enfants – peuvent ils varier en fonction de la situation de la famille et des enfants. A cet égard, la discontinuité de l’accueil est perçue comme très difficile par les professionnels.

Au final, les établissements d’accueil semblent prendre en compte la multiplicité des objectifs qui leur sont assignés, entre la conciliation travail / famille pour les parents de jeunes enfants, la mixité sociale, l’accueil des publics en difficulté. L’ambigüité des critères d’admission comme la diversité relative des publics reçus traduit ces objectifs concurrents. On voit également au travers de ces travaux une gestion très micro locale de la population accédant à un établissement d’accueil du jeune enfant, qui permet toutefois une relative diversité des publics accueillis. D’autres études devront compléter cette approche : ainsi, il serait désormais utile de mieux mesurer l’usage réel par les familles, des établissements, notamment sur le volume horaire.

Delphine Chauffaut, delphine.chauffaut@cnaf.fr
Cnaf – DSER

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